Maurice Dagbert, super calculateur

Légende parue dans l'ouvrage Mons-en-Barœul du village à la Ville (page 140)

Maurice Dagbert, supercalculateur

Publié le 27 février 2014, par La Voix du Nord

On raconte beaucoup d’anecdotes à propos de Maurice Dagbert. Il est né en 1913 à Calais mais a résidé la plus longue partie de sa vie, rue du Général de Gaulle, à Mons.


Maurice Dagbert dans une de ses démonstrations, en 1952.


On vous dira qu’il était aimable lorsqu’on le croisait sur le trottoir ou bien encore qu’il passait de longues heures à cultiver son jardin, spécialement les poireaux, ses légumes préférés. Le week-end, il partait sur la côte, pêcher en mer.


Mais Maurice Dagbert était le plus souvent très loin de chez lui : le petit homme tranquille se transformait alors en grande vedette internationale capable d’attirer les foules. Il a été, de longues années, le calculateur prodige le plus célèbre du monde. Robert Diligent (frère de l’ancien maire de Roubaix et créateur de la radio RTL en 1955) raconte : « À ses grands talents de calculateur s’ajoute une prodigieuse mémoire. On comprend l’enthousiasme provoqué en France, en Belgique, en Suisse ou en Italie. Au théâtre lyrique de Milan, 3 000 spectateurs le rappelèrent sept fois sur scène. Aussi bien que Caruso ! », lui confia le directeur du théâtre à son entrée en coulisse (Nord France, 1952).


Le Monsois était le fils spirituel d’Inaudi, un italien au prodigieux numéro de calcul mental, qu’il avait rencontré à Calais, à l’âge de 17 ans. À 11 ans, il extrayait en quelques secondes la racine cubique d’un nombre de 10 chiffres et donnait instantanément la réponse des problèmes le plus compliqués imaginés par son instituteur.

Pourtant, en classe, il était considéré comme un cancre et un tricheur. Souvent puni, écœuré par l’école, Maurice Dagbert, avait trouvé un travail de comptable dans une sucrerie. Il était aussi membre de l’orchestre des Arts de Calais, un très bon violoniste, sans pour autant pouvoir envisager une carrière internationale.


Quelques années avant la guerre, il se remet au calcul mental. Fait prisonnier en 1940, sa longue captivité lui fournit l’occasion de se perfectionner. À la libération, il est prêt à entamer une nouvelle carrière. Au début, Maurice joue du violon tout en réalisant ses calculs mais, comme cela ne fait pas sérieux, il simplifie très vite son numéro.

La presse de l’époque ne tarit pas d’éloges pour commenter les prestations de Maurice Dagbert : « Énigme du siècle, phénomène du calcul mental… » ; « Doué d’une mémoire prodigieuse, il l’est aussi d’une intelligence et d’une puissance de raisonnement qui confondent l’imagination » ; « Ce n’est plus un mathématicien, c’est un jongleur… » ; « Il vous dit en clignant de l’œil combien de secondes vous avez vécu. »

Il n’hésite pas à répondre à une invitation de l’académie des sciences, que résume ainsi le communiqué du ministère de l’Éducation nationale : « Une série d’opérations que les machines les plus modernes de l’Institut Poincaré avaient mis 2 h 30 pour mener à bien, ont été résolues en une demi-heure par Maurice Dagbert devant l’illustre académie. »

L’extraordinaire talent du Monsois reste une énigme. Certains parlent de « don ». Il pouvait être très fragile. Maurice Saltano, qui partageait avec lui l’affiche du festival de magie raconte qu’un jour, à Marseille après une « choucroute trop bien arrosée » Maurice Dagbert se mit à se tromper dans ses calculs. Les quolibets de la salle le dégrisèrent. Il termina de manière impeccable et les spectateurs crurent que l’épisode du début faisait partie du spectacle.

Le jardinier, pêcheur, musicien, mathématicien, saltimbanque est l’une des figures les plus attachantes des rives du Barœul et de la mer du Nord. A.C.(CLP)


Un autre article est paru dans la Voix du Nord le dimanche de Pâques, le 16 avril 2017



Maurice Dagbert, la mélodie des chiffres

Article d'Anne-Sophie Hache paru dans la Voix diu Nord le dimanche 16 avril 2017


En 1968, à la télévision nippone, Maurice Dagbert bat de vitesse, au calcul mental, un ordinateur.

1930, à Calais, le théâtre, bondé. Maurice Dagbert a 17 ans, il est subjugué : sur scène, le célèbre calculateur prodige Jacques Inaudi résout des problèmes vertigineux. Que Maurice calcule à la même vitesse, en silence, dans l’ombre de la fosse d’orchestre, son violon dans le creux de son cou. 

Maurice est stupéfait. Oh, pas tant par le numéro du célèbre calculateur italien Jacques Inaudi, il est capable du même tour, à quelques secondes de distance. Mais que l’on puisse monter sur scène, soulever les applaudissements du public, faire son métier de ce dont lui usait comme d’un amusement pour distraire la galerie, c’est sans doute ça qui l’a, ce jour de 1930, le plus ébahi. La révélation de sa vocation.

Porté par sa puissance et, sans doute, la hardiesse de ses 17 ans, Maurice va frapper à la loge de la célébrité, la représentation terminée. Qu’a bien pu penser Jacques Inaudi, 63 ans, en ouvrant la porte à ce gamin en tenue sombre de musicien, venu lui annoncer, sans ciller, son violon peut-être encore à la main, qu’il est un confrère et qu’il a réalisé, dans l’ombre, les mêmes prouesses de calcul mental que lui tout à l’heure, sur scène, à la même vitesse, voire plus vite ?

« C'était si simple »

Maurice Dagbert n’a pas découvert à 17 ans qu’il était surdoué avec les racines, les entiers, les décimaux, les puissances, l’infini. Il faut remonter loin dans l’enfance, jusqu’à l’odeur de la craie, la couleur de l’encre, le goût de l’injustice face au maître qui prenait pour un tricheur le jeune écolier, capable de résoudre de tête, en quelques secondes, les problèmes que lui-même avait passé la soirée à élaborer. De toute façon, pour tout dire, ce n’était même pas une découverte. Juste naturel. « Tout gosse, je me souviens, je m’étonnais que des adultes ne sussent pas combien faisaient 7 fois 9 ou 11 fois 12, c’était si simple. Lorsqu’il venait de la famille, ou des amis, on me faisait réciter les tables de multiplication jusqu’à 20 et l’on s’extasiait : moi je ne voyais pas bien pourquoi. »

Ce soir de 1930, Inaudi est intrigué. L’Italien le teste, à chaud, lui soumet une série de calculs de plus en plus compliqués. Maurice ne se démonte pas, il répond sans se tromper.

La légende raconte qu’Inaudi a emmené le jeune homme pour une longue errance nocturne à travers la ville à parler chiffres. Peut-être fut-il touché par ce gamin qui avait quitté l’école à 12 ans, lui, l’extraordinaire Inaudi qui, à son arrivée à Paris, ne savait ni lire ni écrire.

Dès cette nuit, Maurice Dagbert suivrait ses traces. Sa renommée passe villes et frontières, au gré des plateaux télé, radio, des scènes de spectacle et des défis mathématiques lancés en direct par le public. En 1946, il est invité par l’Académie des sciences, comme Inaudi avant lui. Plus tard, des scientifiques lui poseront des électrodes sur la tête, voudront comprendre.

Mais il n’y a rien à comprendre, répète Dagbert. « Le don que j’ai, c’est peut-être d’avoir découvert les chiffres comme un paradis, d’en avoir éprouvé un émerveillement qui ne s’est pas dissipé soixante ans après. » Toute sa vie, Maurice Dagbert refusera de parler de génie. Il soutenait que « chaque enfant de 10 ans, à l’esprit ouvert, bien entraîné, pourrait obtenir les mêmes résultats ». Il parlait de son entraînement, plusieurs heures par jour, de la façon dont les chiffres s’alignaient comme des images dans sa tête, des cases qu’il ouvrait et refermait au fil des problèmes.

« Vous êtes très fort Dagbert », lui avait dit le grand Inaudi, cette fois où il lui avait posé un problème plus difficile que les autres : « En supposant que les heures ne contiennent que 37 minutes et 30 secondes et que chaque minute comprenne 96 secondes, combien y a-t-il de secondes dans 24 ans, compte tenu des six années bissextiles ? » Il n’avait fallu que quelques secondes à Maurice pour répondre : « 757 382 400. » 

Au début de sa carrière, sur scène, le jeune homme accompagnait ses prouesses au violon. Mais il avait dû se résoudre à abandonner son instrument, le public, méfiant, y voyait une possible supercherie. Las, passant à côté de la clé de son mystère, tout entier dans cet aveu, à un journaliste, en 1968 : « Une suite de chiffres, c’est pour moi comme une mélodie. »


La date de naissance est erronée sur ce document. Maurice Dagbert aurait rectifié en supprimant 14 jours !

L'acte de naissance de Maurice, Charles, Georges Dagbert le 20 juin 1913 à 5h du soir

Tortefontaine: Maurice Dagbert, un calculateur de génie


Bien connu dans le village où il a passé une retraite heureuse, Maurice Dagbert s’est éteint en 2000. Humble, discret et sympathique, il était aussi un cerveau hors normes, capable de rivaliser en rapidité avec les ordinateurs les plus performants de son époque.


Un article de Philippe Lambert (Clp) Publié le 9/11/2021 dans la Voix du Nord



Renée Dégardin, l’épouse de l’ancien maire de Tortefontaine, se souvient. « Il était très simple, un homme qui aimait son jardin et nous amusait, lors du banquet des aînés, avec ses exercices de calcul mental. » Ainsi était donc Maurice Dagbert, paisible retraité à Tortefontaine et l’un des plus grands calculateurs du siècle dernier.


Il faut lire les éloges de la presse nationale des années quarante à soixante pour mesurer le prodige. « Maurice Dagbert peut, en une seconde, vous dire si le 28 février 1900 était un mardi et la Pentecôte de 1924, un 8 juin », lit-on dans l’Aurore du 8 juin 1945.

Un journaliste du Matin, venu l’interviewer, croit le scotcher en lui demandant la racine cubique de 527 343 375. La solution fuse en moins de cinq secondes : 375. Un hors-série complet ne suffirait pas à relater les exploits de Maurice Dagbert.



Né en 1913 à Calais, l’homme se révèle au grand public à la fin des années trente. Son parcours étonne. Il a fréquenté l’école de son quartier et n’a poursuivi que deux années au-delà du certificat d’études. À l’école primaire, sa capacité à résoudre instantanément les problèmes mathématiques les plus complexes agace son instituteur, qui le croit tricheur.

Maurice cherche donc du travail et en trouve dans une sucrerie… comme comptable. En 1930, assistant à un spectacle d’un autre génie du calcul, Inaudi, il prend conscience de son don.



Maurice Dagbert est décédé le 12 octobre 2000, à l'âge de 87 ans, à Huby-Saint-Leu, un lieu à proximité de Tortefontaine où il avait pris sa retraite pendant une vingtaine d'années.

Prisonnier pendant la guerre, Maurice continue à exercer sa mémoire au stalag. Libéré, il se produit dans des spectacles improbables auprès desquels le Tout-Paris accourt, comme extraire en deux minutes quarante racines cubiques tout en jouant du violon.

Fumeur mais buveur d’eau minérale, Maurice Dagbert devient une telle attraction qu’il fait la publicité pour Saint-Raphaël, l’apéritif national. Dans les années soixante, à l’époque des deux chaînes télé, il est la vedette de plusieurs émissions, sur la Une (« La Route du Jeudi », « Samedi et Compagnie ») et se produit dans le monde entier.

 

Match nul face à l’ordinateur


Le plus fou reste peut-être cette journée de février 1964. Au cours de l’émission « 10 millions d’auditeurs » de Radio-Luxembourg – l’ancêtre de RTL –, Maurice est confronté à l’adversaire ultime : un ordinateur Bull Gamma 60, le top de la technologie d’alors. Verdict : match nul ! Le cerveau de ce génial calculateur reste un mystère. Examiné de manière concluante en 1945 par l’Académie des sciences, le jeune homme d’alors tentait une explication : « En fermant les yeux, je vois les chiffres apparaître. J’utilise dans mes calculs des règles purement empiriques dont je ne m’explique pas les raisons. »



Mons-en-Barœul : Maurice Dagbert, jardinier de la rue de Gaulle et homme de scène de la Scala de Milan


Maurice Dagbert, paisible habitant du Haut de Mons, était aussi une célébrité mondiale : le plus grand calculateur-prodige de tous les temps.


Un article d'Alain Cadet (Clp) Publié le 30/11/2021 dans la Voix du Nord



Maurice Dagbert, s’était installé après la seconde Guerre mondiale dans une belle villa de la rue du Général-de-Gaulle. La plupart du temps, il n’était pas à la maison. Sa vie se déroulait dans les trains, dans les avions et dans les salles de spectacle qui accueillaient son numéro de calculateur prodigieux. La presse de l’époque ne tarit pas d’éloges pour commenter les prestations du Monsois : « Énigme du siècle, phénomène du calcul mental… » ; « Doué d’une mémoire prodigieuse, il l’est aussi d’une intelligence et d’une puissance de raisonnement qui confondent l’imagination ». Robert Diligent (créateur de Télé-Lille, puis de la radio RTL) raconte : « À ses grands talents de calculateur s’ajoute une prodigieuse mémoire. On comprend l’enthousiasme provoqué en France, en Belgique, en Suisse ou en Italie. Au théâtre lyrique de Milan, 3 000 spectateurs le rappelèrent sept fois sur scène. Aussi bien que Caruso ! », lui avait confié le directeur du théâtre (Nord-France, 1952).

 

En mars 1945, à son retour de captivité, Dagbert est sollicité par l’Académie des Sciences de Paris. À l’issue de cet examen, Louis de Broglie, n’hésitera pas à élire Dagbert, « plus grand calculateur prodige de tous les temps », surpassant même, selon lui, son maître, Jacques Inaudi, considéré jusqu’alors comme le meilleur de tous. À travers ces récits de presse émerge l’image d’un Dagbert, surdoué, venu d’ailleurs, au talent inné, à tel point qu’à l’âge de 11 ans, il avait le don d’exaspérer son instituteur en résolvant en une fraction de seconde un problème que l’enseignant avait mis une soirée à imaginer.



Certains y ont vu la manifestation d’un cas d’Asperger. Mais ses voisins de la rue décrivaient un Maurice Dagbert attentionné avec sa famille, passionné de jardinage et de pêche, toujours prêt à partager un moment convivial. Bref, Dagbert était un mystère. Mais sa correspondance suivie avec Jules Régnault, chirurgien militaire mais aussi calculateur prodige à ses heures, nous fournit un éclairage nouveau. « L’aptitude au calcul n’est pas apparue d’une façon extraordinaire chez lui, à 6 ou 10 ans, comme chez la plupart des calculateurs prodiges. C’est après 16 ans, alors qu’il était comptable, qu’il s’est entraîné à imiter Inaudi », écrit Regnault. « Maurice Dagbert crée des chiffres-clés, des méthodes personnelles que bon nombre de mathématiciens ne peuvent comprendre et dont il ne reçoit lui-même l’explication, qu’après les avoir créés et s’en être servi. »


Compléments historiques


Biographie


Maurice Dagbert est né à Calais le 20 juin 1913 et est mort à Huby-Saint-Leu le 12 octobre 2000. C'est un calculateur prodige mais aussi un musicien qui pratiquait le violon, en particulier au cours de ses premiers spectacles. Il se marie le 30 décembre 1946 à Béthune (Pas-de-Calais) avec Marguerite Marie Briand, née le 3 août 1918 à Dinan (Côtes-d’Armor) et décédée le 27 juin 1999 à Tortefontaine (Pas-de-Calais).

On trouve des documents au nom de Maurice Baguebert.



Maurice Dagbert lors d'une émission de Radio Télé Luxembourg

Le père de Maurice Dagbert est tulliste ; le jeune Dagbert fréquente l’école primaire, mais son instituteur, constatant qu’il résout instantanément les problèmes, le considère comme un tricheur et un cancre. Maurice Dagbert quitte donc l’école vers l’âge de onze ans pour entrer dans la vie active et il sera comptable dans une sucrerie. Il ne possède donc pas de notions mathématiques mêmes élémentaires. C’est à cette époque qu’il prend des leçons de violon et ayant un certain don pour cet instrument, il peut entrer dans l’orchestre des Arts de Calais qui accompagne les spectacles de cette ville. Cela lui donne l’occasion de rencontrer en 1930, à l’âge de 17 ans, un autre calculateur prodige, Jacques Inaudi, qui a 63 ans. Il saisit alors la chance qui lui est donnée de confronter ses compétences en matière de calcul mental avec celles du célèbre calculateur prodige de l’époque et Inaudi trouve alors un émule digne de son propre niveau. Ils se revoient le 22 juin 1945.

 

Performances


Maurice Dagbert a été confronté à un Gamma 60 qui était un des ordinateurs les plus performants de son époque et a réalisé ses calculs aussi rapidement que ce dernier. Il peut en une seconde dire le jour de la semaine pour une date donnée (ainsi que le 28 février 1900 était un mardi). Il peut en quelques secondes calculer la racine septième d'un nombre de vingt chiffres.

 

Il devient célèbre en France à la fin des années trente et on le compare déjà à Inaudi. Il débute alors une carrière de spectacles au niveau régional et, particularité personnelle, il s’accompagne au violon en effectuant les calculs proposés.



« Une autre fois, tout en exécutant au violon une fantaisie sur Le Trouvère, il effectua mentalement l’extraction de vingt racines cubiques de trois chiffres et une multiplication d’un nombre de cinq chiffres par un autre de cinq chiffres également. Le morceau de violon avait duré sept minutes. ... »

Cette carrière débutante sera interrompue par la Seconde Guerre mondiale. Maurice Dagbert est prisonnier en Allemagne et sera libéré en 1944. Il utilisera cette longue période de captivité pour parfaire ses techniques de calcul mental et il reprendra alors ses spectacles au niveau national.

 

Il est reçu par l'Académie des Sciences le 3 avril 1945, puis au cours d'une séance, qui a lieu le 7 juillet 1945, il est examiné par un jury, où siègent notamment Joseph Pérès et Louis de Broglie et qui constate qu'« il se sert de nombreuses clés empiriques avec un puissance et une lecture intérieure supérieure à celle d'Inaudi ».



Maurice, Charles, Georges Dagbert

À la demande des Secrétaires perpétuels de l’Académie des Sciences, l’astronome Gaston Fayet, le mathématicien Jean Chazy et le mathématicien et physicien Joseph Pérès ont examiné, le 10 mars 1945, le Calculateur mental Maurice Dagbert, qui désirait être présenté à l’Académie. Les résultats de cet examen ayant été concluants sont résumés dans le Compte rendu de la séance du 23 avril 1945. Voici quelques points marquants de ce rapport :

 

- Puissance de calcul et mémoire exceptionnelle comparables à celle de Jacques Inaudi.

- Technique de visualisation des nombres sans avoir à les écrire.

- Calculs de dates, multiplications, puissances et extractions de racines.

- Racine cubique d’un nombre de 15 chiffres et racine cinquième d’un nombre de 17 chiffres en 2 mn.

- Trois premiers chiffres de la racine cubique non entière d’un nombre de 6 chiffres en 1 mn 25 s.


Maurice Dagbert dit avoir obtenu seul les règles empiriques dont il se sert (mais dont il ne s’explique pas les raisons).


Ses connaissances mathématiques, même en algèbre élémentaire, sont à peu près nulles.


Maurice Dagbert se révèle ensuite au Congrès des Illusionnistes tenu à Paris en 1947 et donnera toute sa mesure au Congrès de Lausanne en 1948. Il entame alors une carrière au niveau international en participant à des festivals de magie en Belgique, Suisse (Genève, Lausanne), Italie (Milan), ... Au théâtre lyrique de Milan (it) en 1952, le public le rappelle sept fois, comme Caruso ! Il devient une célébrité universelle et on le considère même comme plus fort qu’Inaudi.



Dagbert le calculateur prodige


Un texte de Maurice Saltano


Nous avons bien connu Maurice Dagbert, partageant avec lui l'affiche du Festival de la Magie. Il fut un phénomène contemporain du calcul, refusant d'effectuer la moindre opération arithmétique en dehors de la stupéfiante démonstration qu'il présentait au public, une à deux fois par jour. Nous étions obligés d'effectuer nous mêmes la division, stylo en main, lorsque nous calculions notre quote-part de la note de restaurant où les artistes mangeaient en commun avant le spectacle. Il nous conta que, à 11 ans, écœuré par ses mauvaises notes en calcul, il abandonna l'école pour entrer dans la vie active. Son instituteur avait pour habitude de lui administrer des zéros et des punitions. 



Dagbert donnant les solutions à l'énoncé même des problèmes, sans effectuer de calcul, il semblait évident qu'il trichait et s'était procuré par avance la solution. En réalité il était déjà capable, à cette époque, d'extraire de tête la racine cubique d'un nombre de neuf chiffres. Une académie scientifique du nord, où il résidait, proposa de l'examiner. Le professeur Esclangon, célèbre astronome, lui demanda à quelle date tomberait Pâques en l'an 5.702.285. Le 22 mars, répondit Dagbert. On fit le calcul et sa réponse s'avéra exacte.

 

Le jeune garçon, qui travaillait dans une sucrerie, prit des leçons de violon et se familiarisa rapidement avec cet instrument au point d'entrer dans l'orchestre des Arts de Calais où, durant les week-ends, il accompagnait les spectacles qui se produisaient dans cette ville.



Maurice Dagbert et Jacques (Giacomo) Inaudi


C'est ainsi qu'un jour de 1930, depuis la fosse d'orchestre, il assista à la représentation du fameux calculateur Inaudi, d'origine italienne, qui avait alors 63 ans (co-vedette durant de nombreuses années des tournées du célèbre magicien Bénévol). Maurice Dagbert se précipita dans les coulisses et frappa à la porte de la loge du célèbre mathématicien. Avec l'impétuosité de ses 17 ans, il se présenta comme un confrère et lui avoua sans complexe qu'il avait fait de tête les mêmes calculs que lui durant son numéro, aussi vite sinon plus rapidement. Inaudi, septique, lui posa quelques problèmes dont il donna instantanément la réponse. Comme un champion qui rencontre un adversaire à sa taille, Inaudi tenta l'estocade : « En supposant que les heures ne contiennent que 37 minutes 1/2 et que chaque minutes comprenne 96 secondes, combien y a-t-il de secondes dans 24 ans, compte tenu des années bissextiles ? ».

 

La réponse tomba, exacte, comme un couperet : « Il y en aurait 757.382.400 ».

 

Dagbert et Inaudi

 

Entraînant Dagbert par le bras Inaudi partit pour une longue promenade dans les rues désertes de Calais où, jusqu'à l'aube, ils jonglèrent avec les binômes, racines et décimales. Deux cerveaux extraordinaires s'étaient rencontrés et avaient mutuellement trouvé l'interlocuteur qui, jusqu'alors, leur avait fait défaut.

 

Maurice Dagbert fit une très belle carrière, présentant au music-hall un numéro ébouriffant de calcul, dont il avait su faire quelque chose de spectaculaire pour le public, et qu'il terminait en récitant de mémoire, du premier au dernier et dans l'ordre, tous les chiffres (donnés par les spectateurs et résultats des opérations) qu'il avait inscrits sur son tableau durant sa prestation. En faisant ses calculs il jouait divers morceaux de musique classique au violon. Lorsque nous l'avons connu, il avait supprimé cette performance musicale car, nous a-t-il dit, cela paraissait impossible et le public pensait à tort qu'il y avait un trucage. En supprimant le violon, son numéro eut davantage de succès !


 

L'illusionniste Ernest Moingeon


La démonstration de Dagbert trouvait très bien sa place dans les programmes du " Festival de la Magie ".


Mais le voyant ainsi encadré par des illusionnistes, certains spectateurs avaient quelquefois tendance à croire qu'il utilisait une machine à calculer en coulisses (les résultats auraient ainsi pu lui être communiqués par un micro et une oreillette, ou visuellement par un écran caché du public, dans la rampe d'éclairage).


Lorsque quelqu'un évoquait cette possibilité cela le mettait dans une froide colère. Dans le cabaret d'un casino, en Suisse, un spectateur éméché se leva à la fin de son numéro le mettant au défi de renouveler la lecture finale de tous les chiffres figurant sur le tableau, ceci en venant s'installer à sa table. Dagbert accepta le challenge sous réserve que, en cas de réussite, le perturbateur offre le champagne à l'ensemble des spectateurs. Pari accepté ! Dagbert, assis dans la salle face à son antagoniste, dos au tableau qui restait sur scène, récita sans erreur une nouvelle fois la multitude de chiffres qui faisait l'objet du litige. Beau joueur, son adversaire commanda le champagne pour tous les spectateurs, sans oublier Dagbert. Ce dernier termina le combat en beauté en redonnant tous les chiffres du tableau, de mémoire, mais en commençant par la fin. Ce fut une soirée mémorable...

 

Le 25 Août 1961, Jean Nohain présenta à la télévision dans son émission " Rue de la Gaîté " un industriel de la Meuse, Ernest Moingeon, illusionniste amateur et calculateur prodige. Son succès fut extraordinaire et, dopé par les applaudissements, Monsieur Moingeon commit l'imprudence d'annoncer qu'il lançait un défi et offrait un millions de francs (de l'époque) à toute personne susceptible de réaliser les mêmes exploits cérébraux.


Duel Dagbert - Moingeon



Maurice Dagbert et Ernest Moingeon

Piqué au vif par ses supporters du Pas-de-Calais, Maurice Dagbert releva le défi. Le soir de la rencontre, Ernest Moingeon avait rédigé un chèque à l'avance, conscient de la témérité de son pari. Il le remit à Dagbert après qu'il eut réalisé en quelques secondes l'extraction de racines cinquièmes. Celui-ci, en grand seigneur, annonça qu'il faisait don de la somme à des œuvres de bienfaisance. Ce combat entre les deux gladiateurs du calcul avait fait s'enthousiasmer toute la France.



Remise du chèque de Moingeon à Dagbert


Dagbert se connaissait des cousinages plus ou moins éloignés, dans toutes les régions de France. Bien organisé, il prévenait ses parents de son passage prochain par un courrier approprié, ce qui lui valait de fréquentes invitations à déjeuner au cours des tournées du " Festival ". Il s'excusait auprès des artistes de la troupe : « Je ne serai pas des vôtres demain à midi, je suis invité chez des cousins... »


Nous étions sur une fin de semaine au théâtre du Gymnase à Marseille. Dagbert avait déclenché la traditionnelle invitation pour le dimanche à midi. Lorsqu'il arriva en coulisse pour la matinée il était congestionné. Ses joues étaient écarlates et on comprit rapidement qu'il n'avait pas bu de l'eau minérale. « Mes amis, je me suis tapé une de ces choucroutes garnies... », disait-il en se frappant l'estomac avec le plat de la main. En scène, il commença à se tromper, tenta de corriger ses erreurs puis, en pleine transpiration, se mit à commettre des fautes grotesques dans les opérations les plus simplistes. Les rires commencèrent à fuser dans la salle. Même les enfants s'esclaffaient. Brusquement il se ressaisit et, avec le torchon prévu à cet effet, effaça tous les chiffres qu'il avait jusqu'alors écrits sur son tableau. Il s'excusa auprès des spectateurs et reprit son numéro depuis le début avec d'autres nombres.


Tout se déroula jusqu'à la fin sans la moindre erreur et il eut beaucoup d'applaudissements. Sortant de scène, devant nos sourires, il s'appuya d'une main au coin d'un décor et fit mine de s'éponger le front avec l'autre main en s'exclamant : « Mes enfants, j'ai eu chaud ! ».