La ville nouvelle

 Ci-dessous une série d'articles d'Alain Cadet publiés dans la Voix du Nord en février 2021



Mons-en-Barœul, naissance d’une ville nouvelle 



Le quartier des Sarts date des années 1950. En arrière-plan, les Tours de l’Europe, construites dans les années 1960.

 

Au début des années 1950, la commune de Mons-en-Barœul est un bourg rural de 9 000 habitants. En 1975 sa population a triplé. Elle compte désormais 28 000 habitants. 


Premier volet de son histoire.


Après la Seconde Guerre mondiale, la France doit faire face à une profonde crise du logement. La métropole lilloise est l’illustration parfaite de cette situation. La commune de Mons-en-Barœul dispose d’une zone d’une centaine d’hectares, à trois kilomètres de Lille. La « Plaine de Mons » est un lieu très convoité. Les terres à vocation agricole sont soumises à la pression immobilière. D’innombrables demandes de permis de construire s’accumulent en mairie. Le conseil municipal voit avec grande inquiétude sa commune se muer en banlieue. Le maire de l’époque Alphonse Gayet, malade, confie le dossier de la construction à son premier adjoint, Félix Peltier.


Pour coordonner ce projet, le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme nomme Henri Chomette, architecte à Paris. « Quand le maire de Mons-en-Barœul demande l’aide du Ministère, sa commune est encore rurale. Il fallait faire face à la demande et construire, à l’instar d’Alphonse Allais, la ville à la campagne », racontait plus tard l’impétrant désigné par l’État. Le « Plan de masse » est fourni le 14 janvier 1953. Le 1er septembre 1953, on débute les travaux. Cette première tranche de construction, qui préfigure cette ville nouvelle, correspond à un « foncier » déjà acquis par la mairie… ou qui pourrait l’être sans grande difficulté. Il s’agit d’une zone délimitée par la rue Jean-Jacques-Rousseau, à l’est, allant jusqu’aux limites de Lille, vers l’ouest, et bordée, au nord, par les avenues Zola et Acacias. Enfin, au sud, le quadrilatère est fermé par le boulevard du Général-Leclerc.


Une première tranche pour 3 000 habitants


La première tranche prévoit la construction de 624 logements – dont 500 maisons individuelles – destinés à 3 000 habitants. Si ce programme comporte quelques bâtiments collectifs, il est surtout orienté vers la construction de maisons particulières. « Avec le bon sens du conseil municipal, nous avions décidé une proportion de 75 % de logements individuels », racontera plus tard l’architecte. « On a commencé, en 1954, par le quartier des Sarts », poursuit Henri Chomette. « Mons-en-Barœul a engagé son développement avec les simples moyens d’une petite commune et d’un architecte. »


La première tranche de ce programme sera inaugurée le 30 juin 1954. Les travaux se poursuivront jusqu’au début des années 1960 où les derniers immeubles vont rejoindre les premières constructions prévues par un nouveau projet, celui de la ZUP (zone à urbaniser en priorité). 

A. C. ( CLP)



Mons-en-Barœul, naissance d’une ville nouvelle, épisode 2 : les années 60  



Les débuts de la ZUP dans les années 1960. La hauteur des bâtiments a été augmentée au beau milieu du programme de construction.


Au début des années 1950, Mons-en-Barœul est un bourg rural de 9 000 habitants. En 1975, sa population a triplé. Elle compte désormais 28 000 habitants. Cette évolution démographique s’est accompagnée   de la transformation du paysage qui de campagne, s’est mutée en ville… Suite de notre série. 

 

Le second programme de la ville nouvelle des années 1960 voit la mise en place d’une ZUP (Zone à urbaniser en priorité). Elle s’inscrit dans les nouvelles orientations politiques du ministère de la Reconstruction. Henri Chomette imagine un nouveau plan : il divise la « Plaine de Mons » en quatre parties au moyen de deux axes perpendiculaires structurants : les avenues Robert-Schuman et Marc-Sangnier. Ainsi, leur intersection indiquera la place du « Nouveau centre » où seront implantés l’hôtel de ville et, plus récemment, prolongeant les idées de l’architecte, la place de l’Europe, une agora qui jouxte la nouvelle salle de spectacle Salvador-Allende.


À la périphérie on projette de construire des immeubles relativement bas comme Barry ou Rhin-Danube, tandis que l’hypercentre sera beaucoup plus vertical. L’immeuble de référence du nouveau centre est la résidence de l’Europe, avec ses quatre tours hautes de 71 mètres. D’autres immeubles de très grande hauteur seront construits : les tours jumelles, Vauban, Lamartine et plus tard, les tours America (nous reviendrons plus tard sur cette partie du programme).


Une " allergie au béton " au début des années 70


Sous la pression de la demande, on rajoute des étages non prévus, on construit des immeubles supplémentaires. Au beau milieu du programme, on augmente la hauteur des bâtiments de 33 %. Le programme prévoyait 5 600 logements destinés à accueillir 20 000 nouveaux habitants. Cet objectif sera quasiment atteint en 1976, avec environ 28 000 habitants.


Cet ancien bout de campagne est désormais devenu une ville extraordinairement dense. Le projet d’origine qui prévoyait 75 % de logements individuels et 25 % de logements collectifs est devenu une réalité urbaine comportant 20 % de logements individuels et 80 % de logements collectifs.


À la fin des années 1960, considérant qu’il est légitime que les locataires ou les propriétaires consacrent à leur logement une partie plus importante de leur budget, le ministère de l’Équipement se désengage progressivement du financement de ces programmes. Il publie même en 1973 une circulaire qui vise à les interdire. La ZUP n’a plus la cote.


Le comité « Halte au béton » (1975 – 1976) qui réunit essentiellement des habitants de la ville nouvelle, se mobilise. L’arrivée d’une nouvelle municipalité, conduite par Marc Wolf (1977), hostile à de nouvelles constructions, marque le point d’arrêt définitif au développement de la ville nouvelle.

A. C. (CLP)



Les Tours America, retour sur les aléas du dernier grand projet de la Ville Nouvelle

 

Au début des années 1970 ont été construits les derniers immeubles de la ZUP de Mons. L’ensemble des Tours America.

 

Au tout début des années 1970 apparaît un chantier, au bord de la ZUP, à la frontière avec Villeneuve-d’Ascq. Ce nouveau projet se veut moderniste. Par ses formes, ses dimensions, la référence de ce programme America est explicitement à chercher du côté des États-Unis, la patrie des gratte-ciels et de l’habitat vertical. Les « Tours America » sont aussi un clin d’œil aux Tours de l’Europe de l’architecte Henri Chomette. 


Les promoteurs, Brotons et Lizion, une entreprise normande réputée pour construire des immeubles de très grande dimension, ont l’ambition d’ériger l’un des cinq immeubles prévus à une hauteur de trente-sept étages.


Face au chantier, était planté un panneau sur lequel on pouvait lire : « Village Vertical America ». L’idée de construire un gratte-ciel, singulier dans ce paysage urbain, n’était pas allée de soi. Malgré l’autorisation obtenue de haute lutte, les promoteurs durent revoir leurs ambitions à la baisse. En ce début de l’année 1972, où débute le chantier, l’hostilité d’une partie de la population, incarnée à Mons par le collectif « Halte au béton » n’était pas suffisante pour contrecarrer le projet. Mais l’État, qui jusque-là était le moteur principal de ces programmes urbains, commençait à se libérer progressivement de leur financement. Il lui semblait légitime que les Français consacrent davantage de leur budget à leur logement.


Quatre immeubles au lieu de cinq


Ce changement de politique va contraindre les candidats acquéreurs à recourir à des crédits bancaires ou, dans le cas d’une location, à consentir des loyers plus élevés, ce qui va se traduire par une diminution de la clientèle. On continuera à construire en s’ajustant à la demande… Au lieu des cinq immeubles prévus, on n’en construira que quatre.


La tour, phare du programme, prévue à trente-sept étages, n’en comportera plus que dix-neuf. Culminant à soixante-quatre mètres, elle sera sept mètres moins élevée que les quatre tours de l’Europe. Le centre commercial ne sera jamais construit et le nombre d’appartements drastiquement réduit.


Mais cet ensemble des Tours America, avec ses 666 logements abritant 1 500 habitants, sera malgré tout l’un des immeubles les plus importants de cette « ZUP de Mons » que l’on appelle désormais le Nouveau Mons.

A. C. (CLP)




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