Mons-en-Barœul, les belles chroniques des années 1950 : Le piano mécanique du « Grand Trocadéro »
Au cours de l’année 1950, dans le journal Nord-Eclair, deux articles signés H. J., pour Henri Jolibois, traitent de l’histoire de la ville, des origines jusqu’aux années 1930. C’est le début d’une série qui devrait couvrir, selon son auteur, « l’évolution de la commune, de 1900 à nos jours ».
Le lecteur attendra patiemment la suite jusqu’au 15 juin 1959, où revient sous la plume du même journaliste, Henri Jolibois, un reportage sur Mons intitulé Un piano mécanique (grâce à dix centimes) distribue valses, fox-trot, tangos et mazurkas. André Caudron, à l’époque son collègue à Nord Eclair, propose une explication : H. J. vient d’être chargé d’assurer les relations avec la ville de Lille et se doit de relater les grands événements qui y ont lieu. C’est un travail considérable. Très occupé à Lille, l’ancien Monsois délaisse sa commune de naissance.
Le piano mécanique de l’article se trouve tout au bout de la rue principale du Vieux Mons. « Tous les Monsois connaissent le café Au Grand Trocadéro et ses sympathiques tenanciers, Monsieur et Madame Georges Defever, au 268, de la rue du Général de Gaulle, écrit H J. Nos braves cafetiers conservent jalousement dans leur établissement un vieux piano mécanique acheté par Monsieur Defever père, en 1918. »
Cette antiquité a été fabriquée à Nice par les établissements Nallino. Elle a la particularité de fonctionner avec des pièces de 10 centimes d’après la guerre de 1914. Dans cette année 1959, qui va connaître la naissance du « franc lourd », la petite monnaie des années 1920 est devenue légèrement rétro.
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Joseph Nallino |
L’instrument de musique offre dix morceaux différents. Le journaliste les a notés avec grande précision : « Valse, De Déliris ; One step, L’Amour ; Fox trot, L’Amazon ; Valse, Capitan Fracasse ; One Step, De Berna ; Tango, Nuit Arabe ; Mazurca, De Maria Bricea ; Valse, de Buca Neve ; Fox Trot, Quand j’entends l’son du Banjo ; One Step, Pyramid. »
Alex Wilson qui, aujourd’hui, a facilement dépassé les 80 ans, se souvient d’avoir vu jouer ce fameux piano mécanique. Le Grand Trocadéro était un estaminet très populaire. Il donnait des bals et, une fois par an, on y élisait Miss Mons. Alex possède une photographie où on le voit, dans la cour du café, un jour de fête, peu après la Libération.
H. J. poursuit son récit : « Monsieur Defever tourne une manivelle qui déclenche une musique d’un autre temps. Ce n’est plus le Mons de 1959 mais le Mons d’après-guerre, qui renaît. On voit à travers les rêves, les clients et clientes en gibus et crinolines avec des chapeaux, melon ou élégamment décorés d’hirondelles et de grappes de fruits, des pantalons étroits de nos grands-parents ou de nos arrière-grands-parents. Le piano mécanique, en nous faisant rêver au passé, nous permet de nous évader du temps présent. »
On ne saura sans doute jamais comment Henri Jolibois aurait fini son histoire de Mons et ce qu’il aurait dit de la Deuxième Guerre mondiale dont le souvenir, en cette fin des années 1950, était sans doute encore très vivace. Mais il a fixé pour l’éternité l’image de ce Grand Trocadéro de 1959.
Quelques années plus tard, cet établissement, déjà désuet, et son piano mécanique, devaient disparaître sous les pelleteuses des démolisseurs, pour laisser la place à la ZUP.
S’il n’a pas fini son récit historique, Henri Jolibois, en effectuant ce reportage d’actualité, est devenu, sans le savoir, un personnage de l’histoire de sa commune. A.CA. (CLP)
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